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Hell of a Year

Written by: Marie-Pier Leduc (https://mariepleduc.wixsite.com/blog/post/hell-of-a-year-version-français) Montréal - November 7, 2019

À mon douzième et dernier traitement de chimio

Par où commencer ? Pour être honnête, je repoussais le moment où j’allais écrire mon « récit » des 7 derniers mois. Je crois que c’est par angoisse de revivre les moments difficiles au travers desquels j’ai passés. En même temps, j’ai envie de mettre sur papier (ou du moins sur un écran d’ordinateur) les émotions, les douleurs, les rires, les pleurs, les peurs (beaucoup beaucoup de peurs), et ce qui en reste maintenant. Je le fais pour moi, pour me rappeler dans le futur si jamais j’ai besoin d’un reminder de ma force intérieure, mais aussi pour tous ceux qui veulent en savoir un peu plus sur ce qui s’est passé dans le quotidien et dans la tête d’une fille cancéreuse de 22 ans. Alors bref, si tu veux en savoir plus, va te chercher un snack, sit back, c’est parti.

Tout a commencé vers début décembre 2018. J’avais de la difficulté à respirer et je sentais une pression au niveau de la poitrine. C’était en pleins pendant ma session d’examens à l’université. Je me suis donc dit que c’était sûrement relié au stress. La twist, c’est que même après mes examens, la douleur était la même. Je me rappellerai toujours ce moment où j’étais assise dans le salon avec ma belle-mère et je lui décrivais la douleur. J’ai dit: « Imagine j’ai le cancer ». C’est sorti toute seul, comme si au fond de moi, je le savais que c’était ça. Bref, le 27 décembre, je décide d’aller à l’hôpital, car la douleur est trop forte. J’arrive là sans vraiment d’attente, pensant que c’est qu’une douleur passagère. Little did i know lolling. J’évite les détails (inutiles), mais on me fait passer une panoplie de tests sans me donner trop d’information. 2h plus tard, ma mère arrive (un peu beaucoup inquiète), car on m’a installé dans une salle d’observation. Je suis donc branchée de partout et j’entends une machine qui fait bip bip à une vitesse pas trop rassurante. Le médecin arrive, calmement, pour me donner les résultats. J’ai clairement le syndrome du sarrau blanc; Chaque fois que le médecin entre, la machine se remet à faire des sons trop forts à intervalles réguliers pour indiquer mon coeur qui bat vite. And that’s where it started going downhill. Ils ont repéré une masse d’environ 6 cm de diamètre au niveau de ma poitrine. Je me souviens de rien ou presque de ce moment. Je pense que mon cerveau l’a volontairement effacé de ma mémoire. C’était comme dans un film, vraiment. Bref, je passe la nuit à l’hôpital, car ils doivent me garder en observation. Pire nuit de ma vie. Je me fais réveiller à des heures inimaginables par des infirmiers pas trop sympathiques avec leur lampe sur le front. J’ai l’impression de vivre un rêve, un cauchemar plutôt. Le lendemain, on me transfère à un autre hôpital pour effectuer les biopsies. Pendant ce temps, mon père est à l’autre bout en France et tout ce que j’aimerais c’est qu’il soit avec moi pour me faire rire avec ses blagues (que normalement je ne trouve pas si drôle. Mais à ce moment, je les aurais pris volontiers). À ma grande surprise, j’étais très calme et sereine tout de même. Je pense que je ne réalisais pas l’ampleur de la chose. Encore aujourd’hui, j’ai l’impression de ne pas totalement la comprendre.

En l’espace de 9 jours, on me fait 3 biopsies. La première, j’ai une aiguille longue d’environ 15 cm plantée dans la poitrine. Disons que j’ai vu plus agréable. La deuxième (parce que la première n’était pas concluante…), c’est une chirurgie. Heureusement, celle-là fonctionne. La troisième, c’est une biopsie de la moelle. A.YO.YE. Je vous épargne les détails pour les âmes sensibles, mais on m’a cassé un bout d’os de 2 cm dans le bas du dos. C’est des nouveautés après nouveautés que je vis. Et malgré que j’aie l’aide précieuse de ma famille, c’est tout de même moi qui le vit tout ça. Je peux finalement retourner à la maison, 15 livres en moins. Parce que on ne se le cachera pas, la bouffe de malades, que ce soit du plus vieil hôpital ou la nouvelle toute fraîche du Centre-Ville de Montréal, c’est pas mangeable. Par contre, mention spéciale aux chambres du nouveau CHUM qui donnent sur la grande roue et où on peut observer les feux d’artifice le samedi soir.

Quelques jours plus tard, le médecin appelle mon père et la nouvelle tombe. J’ai le cancer. Bon, à ce point, ce n’est plus une grande surprise, mais l’entendre, c’est autre chose. J’ai rendez-vous avec mon médecin une semaine après pour qu’il m’explique comment ça se passera. En attendant le rendez-vous, je n’ai plus qu’à attendre. Parce que pour être honnête, 90% de ma situation, c’est attendre : attendre mon prochain rendez-vous avec le médecin, attendre mon traitement de chimiothérapie, attendre que le temps passe… En bref, j’ai le lymphome d’hodgkin, qui est un cancer des ganglions. Chance de guérison : 95%. C’est un cancer qui touche principalement les jeunes. Je pose ma liste de questions au médecin, la première étant : quelles sont les chances que je perde mes cheveux ? Sa réponse est : il y a des gens qui les perdent, d’autres les perdent un peu seulement et d’autres les perdent tous…tser une réponse qui aide ? Pour les traitements de chimiothérapie, c’est un à chaque 2 semaines pendant 6 mois. Entre chaque traitement, je dois aussi m’injecter de la Gastrofil qui est un médicament pour augmenter mes globules blancs. Parce que le cancer tue les cellules cancéreuses, et les cellules en santé aussi. Bref, il faut que j’évite de fréquenter les endroits publics ou je dois porter un masque sinon (question de passer inaperçu lol). Et pour l’école, je dois annuler ma session. En gros, je dois faire pause sur toute ma vie pendant 6 mois et me concentrer mentalement et physiquement à battre ce foutu cancer. J’ai dû attendre encore 1 semaine avant d’avoir mon premier traitement. Je pense avoir été aveugle pendant cette attente ; malgré les dires de mon médecin, je n’avais pas l’intention d’arrêter l’école, j’allais essayer tous les remèdes de grand-mères possibles pour ne pas perdre mes cheveux, j’allais continuer à faire du sport aussi fréquemment qu’avant. Mais la réalité m’a vite rattrapée.

Quelques jours avant mon premier traitement, j’ai une bosse au niveau des ganglions dans la bouche et j’ai de la difficulté à respirer. Solution ? Aux urgences. J’y passe encore 3 jours, le temps qu’on effectue d’autres tests et scan. Tout est beau pour commencer le premier traitement, et c’est ce qu’on a fait. Ça dure environ 3 heures, le temps que 3 liquides différents passent dans mes veines. Un rouge (dans la langue des cancéreuses: le red devil), un petit qui passe inaperçu en 10 minutes et un interminable qui doit durer minimalement 1h et qui te brûle les veines. Après le traitement, je retourne chez moi et j’attends patiemment le prochain deux semaines plus tard. Heureusement, dès le premier traitement, je respire normalement à nouveau, je n’ai plus de sueurs froides la nuit ni de fièvre. À quel point le jus qui te mette dans les veines est puissant… Jusqu’au 4ème traitement, c’est le même procédé. Entre ça, j’essaye de continuer à bouger le plus possible et à rester positive. J’ai toujours l’espoir de ne pas perdre mes cheveux, jusqu’à un jour en février. De toutes les hauts et bas que j’ai vécu, je pense que j’ai touché le fond à ce moment-là. On est quelques jours après mon deuxième traitement. J’ai arrêté de me brosser les cheveux et d’essayer de les détacher, car à ce point ils sont pris en boules et j’ai l’impression qu’ils sont morts. Le médecin m’a suggéré de les raser dès la fin de mon premier traitement. Mais, têtue comme je suis, j’ai espoir que ce sera différent pour moi. C’est fou quand même l’ironie de la chose. Du plus loin que je me souvienne, je demandais constamment à ma belle-mère Anabelle à quelle longueur était mes cheveux dans mon dos. Je voulais qu’ils poussent et qu’ils soient si longs. Et là, je perds mes cheveux. Bref, je suis dans la salle de bain et je m’apprête à prendre ma douche. Je me dis qu’il faudrait bien que je me brosse les cheveux, même si je sais pertinemment que ce sera un cauchemar…

Au moment où je passe la brosse, ce qui devait arriver arriva. J’ai fondu en larmes. Mes beaux cheveux frisés étaient en train de tomber devant mes yeux. Et je n’y pouvais rien. J’étais fâchée, tellement fâchée contre la vie. Contre tout le monde. Je ne méritais pas ce qui m’arrivait et j’étais si impuissante face à tout ça. Deux jours plus tard, on est allé chez une amie à Anabelle qui est coiffeuse pour qu’elle me fasse la coupe garçonne. Ce fut un moment marquant de mon histoire. J’ai vraiment réalisé à ce moment ce qui m’arrivait. Malgré tous les beaux mots que j’ai pu avoir face à ma nouvelle coupe, je ne me reconnaissais plus et je n’avais plus mes longs cheveux frisés. Au moins, je savais que le pire était passé. L’étape suivante, c’était de me trouver de beaux foulards. Mais quel défi de trouver des foulards qui ne sont pas quétaines, qui ne me vieillissent pas de 50 ans avec leurs motifs des années 20 et qui ne coûtent pas une fortune.

Jusqu’au 4ème traitement où je devrai passer un scan pour connaitre l’activité du cancer dans mon corps, j’essaye de rester positive le plus possible. Mais laisse-moi te dire que ce n’est pas facile. Heureusement, papa est revenu plus tôt que prévu de France et il a décidé de prendre congé du travail le temps de mes traitements. Anabelle aussi reste à la maison, car elle s’est cassée le poignet (malheureusement, ou heureusement ?). On se trouve donc des passe-temps comme on peut. On est devenus pro des jeux de société haha ! Je vais aussi passer quelques jours chez ma sœur avec ma mère où on cuisine pendant des heures et on écoute nos émissions préférées. Je me surprends d’avoir de l’énergie la plupart du temps. Par contre, faire du sport, c’est une autre paire de manches. Je me souviens un soir être allée marcher avec mon père dehors. Non, en fait, il m’a pris de force et m’a trainé dehors, parce que c’est facile de rester cloitrer à l’intérieur à rien faire (vivement les 8 mois d’hiver par année au Québec). On a fait le tour du carré de maisons et je manquais de souffle. Ça m’a fait mal au cœur. Passer de s’entrainer plusieurs fois par semaine à ne même plus être capable de marcher 15 minutes dehors. C’est rough sur le moral. Après le scan passé, je rencontre mon médecin et il m’annonce une nouvelle rassurante : le cancer n’est plus actif dans mon corps. Il est donc très optimiste de mon rétablissement. Le bémol : je dois tout de même continuer jusqu’au 12ème traitement. Yikes.

En gros, chaque traitement se passe à l’hôpital. C’est à 11h le matin, jusqu’à environ 2h30-3h. Je suis installée dans une salle commune avec d’autres cancéreux aussi. Une infirmière, différente pour chaque traitement, me pique pour me donner ma chimiothérapie qui est intraveineuse. Vers la fin de mes 12 traitements, c’était comme une chasse au trésor pour trouver la veine qui allait bien accepter de prendre encore du gros jus poison. Il y a aussi toujours quelqu’un qui m’accompagne. À chaque traitement, mon père m’oblige à prendre une photo pour les garder en « souvenir ». Drôle de souvenir… À 3h pm, je sors de l’hôpital et je n’ai qu’une envie : dormir. Je ne mange pas tellement pour les jours suivants, mis à part mes fameux smoothie bowls. Entre chaque traitement, je m’oblige à faire du vélo stationnaire et manger santé le plus souvent afin que mon rétablissement soit optimal et que je reprenne des forces rapidement après la fin de mes traitements. Mais on va se le dire, c’est dur. Parce qu’on dirait qu’un train te passe dessus à chaque 2 semaine. J’essaye aussi de socialiser de temps à autres, mais c’est difficile. Je ne me sens plus moi-même. J’ai plus de cheveux, de sourcils, de cils. Bref, j’ai plus de poils sur le corps (ça a ses avantages aussi…) Ma peau est pâle et sèche comme le désert. La dernière chose que je veux c’est qu’on me voit comme ça. En fait, j’ai peur du jugement. J’ai peur que les gens me jugent d’avoir le cancer et d’être différente physiquement. Dit tout haut, ça semble tellement stupide. Ce que je déteste le plus, c’est que les gens me prennent en pitié. J’ai l’impression que je ne suis plus la même personne avec mon foulard et qu’on ne me regarde plus de la même manière. J’ai un sticker affiché sur mon front qui dit : j’ai le cancer. Quand je me promène dans la rue, on me regarde. Je vois bien que les gens se posent des questions ou ont un regard de tristesse.

Et le mental lui ? Pas de tout repos. On a eu nos hauts et nos bas (le genre que tu restes dans ton lit toute la journée et que lever ton petit doigt te prend littéralement toute tes forces. La clé je crois, c’est de sortir de chez soi le plus souvent possible et de faire des activités que tu ferais dans ton quotidien « normal ». Parce que pendant 7 mois, tout ce qui occupe ta tête et tes journées c’est le cancer. Et si tu veux une paix d’esprit, give yourself a break sometimes. Pour ma part, je m’ennuyais beaucoup de l’école et d’étudier (réalité opposée maintenant que je suis retournée à l’école temps plein lol). J’ai donc pris deux cours d’été dès le 1er mai jusqu’à la fin juin. Il me restait encore 2 traitements à faire à ce moment-là. Ça m’a vraiment aidé, car j’avais l’impression de recommencer ma vie « normale ». Sinon, un petit conseil pour vous occuper 15h dans une journée : adopter un puppy. Une autre chose qui m’a grandement aidée à ne pas toujours brouiller du noir c’est une psychologue. Je ne savais pas à quel point j’en avais besoin jusqu’à ce que j’en vois une pour la première fois. Pas seulement à propos du cancer, mais pour ma vie en général également. Je pense vraiment que d’avoir des petits projets à court terme qui t’occupent et qui te donnent envie de te lever le matin font toute la différence. Anabelle, papa et moi on a décidé d’aller faire un roadtrip dans l’Ouest Canadien pour célébrer la fin de mes traitements en Juillet. Je comptais les dodos chaque jour comme un petit enfant qui attend Noël.

Quand je regarde les 7 derniers mois, j’ai l’impression qu’ils ont passé à la vitesse lumière, mais aussi qu’ils ont passé si lentement. Depuis décembre dernier, ma vie tourne autour de la maladie et du cancer. Lorsque je repense à tout ce que j’ai vécu, j’ai un sentiment de fierté et aussi un haut le cœur. Jamais j’aurais pensé qu’à 22 ans j’aurais à vivre une aussi grosse épreuve. Mais quand je regarde tout ce que j’ai appris sur moi, je ne regrette rien. J’avoue aussi que je n’hais pas mes petits cheveux courts haha. Aussi bizarre que cela puisse paraitre, je suis reconnaissante de tout ça. J’ai un regard différent sur toutes les facettes de ma vie. À quel point elle ne tient qu’à un fil. Aujourd’hui j’ai compris que la bataille contre le cancer représente une force intérieure que je porterai avec moi pour toujours. J’aurai des tests, des scans à passer pour le restant de ma vie. Ce n’est pas un chapitre que je peux tourner et oublier à jamais. Mais il sera de plus en plus minime dans mon quotidien. Parce que le 18 septembre dernier, mon médecin m’a annoncé que mes résultats de scan étaient positifs : j’ai vaincu le cancer. C’est fou comment la vie peut changer du jour au lendemain. En Janvier 2018, je partais en échange pour 6 mois vivre les plus beaux mois de ma vie. Et en Janvier 2019, je commençais mes traitements de chimiothérapie et j’allais vivre les 7 mois les plus difficiles. On va souhaiter que 2020 me donne une pause.

Bref, merci à tous les gens qui m’ont écrit des beaux mots, qui ont eu une pensée pour moi durant les 7 derniers mois. Merci à mon papa d’amour d’avoir été toujours là et de m’avoir fait rire dans les moments que je ne croyais pas possible. Merci à ma mère et ma sœur pour tout leur amour et les fins de semaine de gros fun. Merci à Anabelle d’avoir été là quand ça allait bien, mais surtout quand j’avais l’impression que tout allait mal. Et merci à mes amis en or pour tout votre support.

Sur ce, je m’en vais me bourrer la face de sushi avec du poisson cru et boire des verres de vino.

Marie-Pier

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